Le rôle des Doomu daara entre les valeurs du daara et les défis de la réalité politique

La scène politique sénégalaise a connu, au cours de la dernière décennie, une transformation notable marquée par la montée en puissance des acteurs issus des daara. Cette présence s’est manifestée sous diverses formes : engagement au sein des partis politiques, participation active aux campagnes électorales, puis, plus récemment, accession à des postes importants au sein des institutions de l’État.

Cette évolution n’a pas été un événement fortuit. Elle a représenté — aux yeux de nombreux observateurs — une réponse à de larges aspirations considérant que l’entrée des acteurs issus des daara pouvait apporter un équilibre moral et éthique au jeu politique. Selon ces observateurs, la sphère politique souffre depuis plusieurs années de comportements immoraux et d’un affaiblissement des références éthiques encadrant l’action publique. L’idée largement partagée était que ceux qui ont été formés dans les écoles coraniques, imprégnés de leurs valeurs éducatives et spirituelles, seraient en mesure d’offrir un modèle différent en politique, fondé sur l’intégrité, la justice et le service de l’intérêt général.

Pour ces mêmes acteurs, les gens du daara, porteurs d’un héritage éducatif et spirituel, sont capables d’agir comme un rempart contre les dérives politiques menaçant la stabilité et l’unité du pays. Ils seraient en mesure de marcher avec le droit et la justice partout où ils se trouvent, loin des intérêts personnels ou des gains matériels qui ont piégé une grande partie de la classe politique traditionnelle dans la corruption et les querelles étroites.

Cependant, la crise politique sans précédent qui se profile aujourd’hui constitue une véritable mise à l’épreuve pour les acteurs issus des daara engagés dans la vie politique.

Se placeront-ils du côté de l’intérêt national avant toute autre considération ? Leur discours se distinguera-t-il de celui des politiciens traditionnels et des influenceurs des réseaux sociaux qui attisent les tensions pour obtenir des avantages personnels ou partisans ? S’efforceront-ils de réconcilier les positions et de rassembler la nation, ou tomberont-ils dans le piège de la polarisation et de l’attisement des hostilités au service de stratégies électorales ou d’intérêts individuels ?

Ces questions pressantes placent les acteurs des daara devant un moment décisif susceptible de déterminer l’étendue de leur contribution au réajustement du paysage politique vers plus de sagesse et d’équilibre. Néanmoins, un certain optimisme demeure quant à l’impact positif que pourraient avoir leur participation et leurs prises de position dans ces circonstances critiques, et quant au fait que leur voix puisse servir de phare de sagesse guidant les différents acteurs politiques vers un consensus national et évitant les dérapages susceptibles de menacer la stabilité du pays.

Il serait profondément regrettable — et même douloureusement paradoxal — que les loyautés partisanes étroites finissent par l’emporter sur la voix de l’intégrité, du désintéressement et de la justice, une voix qui a toujours caractérisé les acteurs issus des daara tout au long de l’histoire du Sénégal et qui a largement contribué à préserver son unité et sa cohésion sociale.

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