Perspectives de l’intégration des écoles coraniques dans le système éducatif

 

A l’occasion de la troisième édition de la célébration de la Journée Nationale des daara (écoles coraniques) au Sénégal, le Ministère de l'Éducation Nationale a organisé des panels scientifiques très riches, le mercredi 27 novembre 2024 autour du thème « Intégration des écoles coraniques dans le système éducatif: contraintes, défis et perspectives », et j'ai été chargé d'aborder les perspectives. Voici un résumé de mon intervention.

Introduction

En réalité, il n'est plus nécessaire de rappeler que l'école coranique fait partie intégrante du patrimoine culturel du Sénégal et constitue un élément fondamental de son identité. L'intégration de ces institutions éducatives dans le système éducatif formel répond à un besoin pressant d'une large frange de la société sénégalaise, exprimé à plusieurs et diverses occasions, notamment lors des Assises Nationales de l'éducation et la formation de 1981 et celles de 2014. Cette intégration vise à préserver les valeurs authentiques et le riche patrimoine de la société sénégalaise tout en répondant aux exigences du développement durable.

Depuis environ deux décennies, les autorités éducatives sénégalaises ont commencé à prêter attention à la nécessité de s'occuper des écoles coraniques, ce qui s'est traduit par de nombreux projets les concernant. Le nouveau régime politique a également montré un grand intérêt pour l’enseignement coranique, comme en témoignent sa vision et sa politique éducative.

L'école coranique dans la nouvelle vision de développement et d'éducation des nouvelles autorités

Nous constatons que les nouvelles autorités portent une vision de développement globale qui accorde une grande importance à la justice et à l'équité dans la société. Parmi les quatre axes qui structurent la vision « Sénégal 2050 », il y a celui du ‘’capital humain et l'équité sociale’’, dans lequel l'école coranique est considérée comme un acteur clé.

 La nouvelle politique éducative du ministère reflète, aussi cette vision de développement ; elle vise à " Faire évoluer notre système éducatif vers une société éducative inclusive et efficiente pour enfin former à l'horizon 2035, un citoyen bien adossé à son socle endogène de valeurs africaines et spirituelles tout en étant préparé aux défis du développement durable, des sciences et technologies du numérique et de l'intelligence artificielle". Pour traduire cette vision, les nouvelles autorités affirment leur volonté d'intégrer les écoles coraniques dans le système éducatif formel. Ce nouveau contexte justifie la tenue d'une telle rencontre pour étudier la question de l'intégration sous ses différents aspects, y compris ses perspectives.

Perspectives de l’intégration des écoles coraniques dans le système éducatif

L'intégration réfléchie des daara dans le système formel ouvrira des perspectives prometteuses touchant divers aspects de l'enseignement coranique : l'école coranique, ses acteurs, ses diplômés, le système éducatif et la société dans son ensemble. Voici quelques-unes de ces perspectives :

  1. Accéder à un système éducatif intégré qui s'harmonise avec la nouvelle vision des autorités éducatives et qui soit conforme aux aspirations des maîtres coraniques et de la société sénégalaise en général.
  2. Éliminer les dualités susceptibles de créer des barrières culturelles entre les différentes couches sociales (une couche adoptant l'éducation française et une autre se basant sur l'éducation arabo-islamique), car ces barrières pourraient constituer un danger pour la cohésion sociale et la stabilité du pays à long terme.
  3. Permettre à une large frange de la société possédant diverses compétences de contribuer plus efficacement à la construction de cette nation et de s’insérer facilement dans le marché du travail.
  4. Conférer à l'école coranique un statut juridique approprié qui encadre le travail des daara, préserve leur spécificité et garantit leur reconnaissance nationale et internationale. Cette reconnaissance ouvre la voie à certaines mesures importantes telles que :
    • Développer les programmes scolaires dans les écoles coraniques afin que le temps consacré à l'apprentissage du Coran soit réduit tout en permettant aux apprenants d'acquérir d'autres compétences facilitant la poursuite de leurs études dans diverses spécialités.
    • Améliorer les conditions de vie et d'apprentissage dans les écoles coraniques afin qu'elles respectent les normes de qualité requises pour les institutions éducatives.
    • Faciliter le financement des écoles coraniques par le budget de l’Etat sénégalais ainsi que par d'autres sources telles que les awqaf, les investissements et les dons.
    • Permettre aux écoles coraniques de bénéficier des accords de coopération avec des institutions internationales.
    • Permettre aux écoles coraniques de profiter des révolutions technologiques récentes, notamment en matière d'intelligence artificielle.
    • Prendre en compte les années passées par un enfant à mémoriser le Coran lorsqu'il souhaite s'inscrire dans d'autres institutions éducatives, sans que son âge ne constitue un obstacle à la poursuite de ses études, comme c'est souvent le cas actuellement.
    • Aider le Sénégal à atteindre l'objectif de la scolarisation universelle conformément au quatrième objectif des Objectifs de Développement Durable (ODD).
    • Améliorer la situation du Sénégal en matière de respect des droits des enfants conformément à la convention 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants.

Conclusion

L'intégration des daara dans le système éducatif formel ouvre des perspectives pour ces écoles coraniques, pour ses acteurs, pour ses diplômés, pour le système éducatif et pour la société en général. Cela appelle donc à une coopération constructive entre toutes les parties pour atteindre cet objectif noble ; il est impossible pour le gouvernement de réaliser un succès complet sans cette solidarité et cette coopération.

Commentaires