Les Assises Nationales des Daara : Enjeux et Défis
Dès cette annonce, le Ministère de l’Éducation nationale s’est empressé de prendre les dispositions nécessaires pour la préparation de cette grande mission nationale. Plusieurs ateliers de travail ont été organisés afin d’élaborer les documents de référence des assises et les outils indispensables à leur bonne conduite. Ces documents ont permis de préciser le contexte, les orientations, les objectifs et la méthodologie de gestion de ces consultations.
L’objectif principal de ces assises est de créer un cadre propice à des concertations approfondies autour de l’école coranique, réunissant l’ensemble des acteurs concernés — Serigne Daara (maîtres coraniques), Boroom daara (responsables d’écoles coraniques), parents, autorités, partenaires, etc. — afin de développer ces institutions, d’améliorer leurs conditions de fonctionnement et de les intégrer pleinement au système éducatif officiel, tout en préservant leur nature, leurs spécificités et leurs principes fondamentaux.
L’organisation de ces
consultations se déroule en trois étapes :
a) la phase préparatoire (déjà réalisée) ;
b) la phase des concertations départementales
;
c) et enfin la phase des assises nationales, qui se tiendront à Dakar.
Par ailleurs, une plateforme électronique a été mise en place afin de permettre à tous ceux qui le souhaitent de soumettre leurs idées et propositions au comité scientifique, et de permettre aux citoyens de suivre en direct le déroulement des sessions.
Enjeux et Défis
Ces assises nationales revêtent des enjeux majeurs. En effet, l’école coranique au Sénégal a joué un rôle historique essentiel dans la préservation de l’identité du peuple sénégalais, dans la diffusion de l’islam et de ses valeurs, ainsi que dans la formation de générations de résistants. Ses anciens élèves continuent aujourd’hui à se distinguer positivement dans les domaines économique, social, culturel et politique.
Cependant, malgré cet héritage précieux, l’école coranique n’a bénéficié d’aucune attention significative de la part des autorités sénégalaises successives après l’indépendance jusqu’au début du nouveau millénaire, sans compter les politiques coloniales hostiles dont elle fut victime.
Bien que le peuple sénégalais, profondément religieux, ait longtemps réclamé avec insistance l’intégration de l’enseignement religieux dans le système éducatif, l’école coranique demeura marginalisée jusqu’en 2002, date à laquelle le gouvernement libéral de l’époque prit des initiatives visant à la moderniser.
Depuis lors, la politique gouvernementale a connu plusieurs évolutions importantes, parmi lesquelles :
- la modification de la loi d’orientation 91-22 ;
- la création d’une inspection des daara au sein du Ministère de l’Éducation, plus tard transformée en Direction ;
- le lancement d’un projet d’appui à modernisation des daara (PAMOD), financé par la Banque Islamique de Développement, comprenant la construction d’écoles coraniques publiques ;
- l’intégration de plusieurs écoles coraniques dans certains programmes du Ministère de l’Education (PAQEEB, PAPES) ;
- et la préparation d’un projet de loi portant statut du Daara.
Cependant, ces avancées ont été entravées par de nombreuses difficultés, notamment le manque de consensus entre les parties prenantes au sujet des réformes proposées, en particulier du projet de loi.
En 2024, avec l’arrivée au pouvoir du parti Pastef, ce dossier a connu un tournant décisif : les nouvelles autorités ont placé les écoles coraniques au cœur de leurs priorités, dans le cadre de leur projet de transformation profonde de la société.
Parmi les quatre axes de la vision « Sénégal 2050 », figure celui du capital humain et de l’équité sociale, où l’école coranique est considérée comme un levier stratégique essentiel pour la réalisation du changement souhaité.
Les nouvelles autorités ont su identifier la principale lacune des tentatives précédentes, à savoir l’absence de consensus entre les premiers concernés — les maîtres coraniques eux-mêmes —, et ont voulu fonder leur politique éducative sur une base participative et consensuelle solide. C’est dans cet esprit que le Président de la République a appelé à l’organisation de ces assises nationales, destinées à constituer le point de départ et le fondement de la future politique de l’État à l’égard des écoles coraniques.
Ces assises revêtent donc une importance stratégique majeure, car elles pourraient définir les contours de la politique éducative gouvernementale future, visant à intégrer les écoles coraniques dans le système éducatif officiel, avec toutes les obligations que cela implique pour l’État à leur égard.
Conscients de cette portée historique, les maîtres coraniques et responsables des daara ont tenu à y participer activement et massivement, plaçant ainsi les autorités et les organisateurs face à plusieurs défis importants, notamment :
- prendre les dispositions nécessaires pour garantir la participation du plus grand nombre possible d’acteurs des daara (notemmant les Serigne Daara) ;
- assurer une communication efficace avec l’ensemble des parties prenantes (parents, décideurs, partenaires, etc.) ;
- adopter une méthodologie rigoureuse et transparente garantissant la participation active de tous ;
- fournir les documents et outils indispensables à une gestion professionnelle et objective des consultations ;
- parvenir à des résultats consensuels et acceptés par tous les participants.
Ces enjeux et défis confèrent à la mission des organisateurs une responsabilité historique considérable, et exigent de toutes les parties un engagement collectif et une coopération sincère afin d’assurer le succès de ces assises, au service de l’école coranique, du système éducatif et de la société sénégalaise tout entière.
Dr Same Bousso
Abdourahmane
Coordonnateur
du Comité scientifique
des Assises nationales sur les écoles coraniques



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