L'EDIFICATION DE LA GRANDE MOSQUEE DE TOUBA, HISTOIRE ET ENSEIGNEMENTS*
Par Same Bousso
Abdourahmane
La prière constitue l'un
des actes d'adoration sur lesquels repose la religion musulmane. La
mosquée, lieu où elle s'effectue par excellence, revêt une
importance particulière dans la vie de la communauté musulmane en
générale et de la murîdiyya en particulier; l'histoire de
la grande mosquée de Touba en est une parfaite illustration. Son
inspiration doit rester un facteur de mobilisation pour tous les
mourides où qu'ils se trouvent à travers le monde.
Dans cette lancée, nous
allons brièvement montrer l'importance de la mosquée dans l'islam,
notamment dans la murîdiyya, donner un aperçu historique de
l'édification de la grande mosquée de Touba, avant de terminer par
les enjeux de la construction d'autres mosquées par les disciples
mourides.
L'importance de la
construction de mosquées pour la communauté musulmane
Le premier acte posé par
le Prophète PSL dès son arrivé à Médine était de construire une
mosquée. Cet acte symbolise l'importance de la mosquée
confirmée par les textes sacrés et par le rôle qu'elle joue
dans la vie des musulmans.
En fait, Allah a lié la
foi du croyant à son attachement à la mosquée. Il nous dit dans le
Coran: «Ne peupleront les mosquées d'Allah que ceux qui croient
en Allah et au Jour dernier, accomplissent la Salat, s'acquittent de
la Zakat et ne craignent qu'Allah. Il se peut que ceux-là soient du
nombre des bien-guidés».
Dans plusieurs hadiths le
Prophète (PSL) souligne les bienfaits de la fréquentation de la
maison de Dieu et d'y effectuer les cinq prières. Il disait que: "La
prière accomplie par le musulman à la mosquée vaut vingt-cinq
fois [ou vingt-sept fois
selon les versions] plus que
la prière qu'il fait dans sa maison ou dans son commerce". En
effet, disait-il, "s'il accomplit bien ses ablutions, puis
sort de chez lui pour la mosquée, n'y allant que pour la prière, il
ne fait pas un pas sans qu'on l'élève d'un degré et qu'on le
débarrasse d'un péché et chaque pas est inscrit comme une aumône
[Al- Bukhâri & Muslim], chacune de ces aumônes
équivaut à dix bonnes actions [Ibn Hibbân &
Ahmad].
Sur cette base, la
construction de mosquée est fortement recommandée et récompensée.
le Prophète (PSL) a dit: «Celui qui construit une mosquée pour
Allah, Allah lui construit son équivalent dans le paradis» (
Muslim, n°533).
Rôle de la mosquée
dans la vie la communauté musulmane
La mosquée constitue,
par ailleurs, un axe autour duquel s'organise la vie de la communauté
des fidèles. En plus des pratiques cultuelles, c'était le lieu où
le Prophète PSL délivrait le message de l'Islam, recevait les
délégations, réglait les conflits et organisait la vie sociale.
C'est ainsi que dans la
civilisation islamique les mosquées ont servi comme lieux de
diffusion des enseignements religieux et des sciences d'une manière
générale. elles sont même devenues de véritables universités
telles que Al-Azhar du Caire, Ez-Zitouna de Tunis et Al- Jâmi'
al- umawî de Damas.
La mosquée favorise
aussi le renforcement des liens de solidarité et permet aux fidèles
de se connaître et de s'échanger sur leurs problèmes communs.
Toutes ces dimensions justifient la place qu'occupe la mosquée dans
l'histoire de la communauté mouride.
La mosquée dans
l'histoire de la murîdiyya
Cheikh Ahmadou Bamba,
fondateur de la murîdiyya, en authentique revivificateur de
la tradition du Prophète, a très tôt manifesté son attachement à
la mosquée par son assiduité et sa régularité dans sa
fréquentation. À la disparition de son père et au moment où il
commençait à se déplacer, sa première préoccupation était
d'aménager, partout où il s'installait, un espace de prière en
guise de mosquée. Dans un de ses poèmes, il implore Allah à ses
terme:
"Ô mon Dieu,
transforme toutes mes demeures en mosquées".
Parmi les souvenirs les
plus douloureux durant son exil au Gabon, figure la destruction de sa
tente de fortune qu'il utilisait comme mosquée. C'est pourquoi il
s'est réjoui plus tard à comparer sa somptueuse mosquée de
Diourbel, qu'il considérait comme compensation de sa mosquée
détruite à Mayumba au Gabon.
Cette mosquée construite
par le Cheikh dès son installation à son lieu de résidence à
Diourbel, entre 1916 et 1918, constituait une fierté pour les
musulmans et symbolisait la force, la détermination de ses disciples
et l'intérêt que la communauté mouride portait à ce lieu
d'adoration. Dans le poème qu'il a consacré à la mosquée de
Diourbel, l'éminent savant mauritanien Cheikh Sidiya Baba a mis
l'accent sur le rôle spirituel et social de la mosquée du Cheikh.
Il l'a décrite comme un lieu de prière et de distribution d'aides
aux nécessiteux.
Bien que le Cheikh ait
été consigné en résidence surveillée à Diourbel par les
autorités coloniales, il a tenu après l'achèvement de la mosquée
de Diourbel à concrétiser son projet de Grande Mosquée de Touba.
La réalisation de ce projet auquel il faisait allusion dans son
célèbre poème consacré à la cité bénie à savoir Matlab al-
fawzayn cristallisait l'intérêt de l'ensemble de la
communauté mouride.
Historique de
l'édification de la grande mosquée de Touba
C'est en 1344 h (1925)
que Cheikh Ahmadou Bamba a rassemblé ses disciples à
Diourbel pour leur transmettre l'ordre d'entamer le projet
d'édification de la mosquée de Touba en ces termes "La
construction de la mosquée de Touba est un ordre du Seigneur des
univers transmis par son Prophète". Il les a exhortés à s'y
atteler1.
Afin que les mourides
puissent réaliser ce grand projet par leurs propres moyens, le
Cheikh a donné l'ordre à chaque disciple de verser une contribution
de 28 dirhams (140 francs). La demande d'autorisation de construction
a été rédigée sous l'ordre du Cheikh par son disciple, l'éminent
érudit Serigne Mbacké Bousso.
Les travaux préparatifs
ont démarré avec l'arrivée de Mame Thierno Birhim frère et
disciple du Cheikh à Touba venu de Darou Mousty, le samedi 25 safar
1345 (03 septembre 1926).
A la disparition du
Cheikh, au mois de juillet 1927, le projet a connu un arrêt dû aux
blocages de l'administration coloniale. Son fils ainé et successeur
Cheikh Mouhamadou Moustapha s'est investi avec l'ensemble des
disciples pour relancer le projet. C'est au mois de ramadan 1350
(janvier 1929) à Diourbel qu'il a lancé un appel à la communauté
mouride et donné des instructions pour le démarrage des travaux. La
pose de la première pierre a été effectuée le vendredi 17 du-l
qa'da 1350 (24 mars 1932).
Malgré le contexte
économique très difficile, Serigne Mouhamadou Moustapha a pu
surmonter tous les obstacles surtout le manque de moyens de transport
pour l'acheminement des matériaux. Il a réussi grâce aux efforts
des mourides à prolonger le chemin de fer de Diourbel à Touba, sur
une distance de 48 km.
Toutefois, le
déclanchement de la seconde guerre mondiale en 1945 a ralenti le
projet de construction jusqu'à la disparition du vénéré Khalif
Cheikh Mouhamdadou Moustapha au mois de sha'bân 1364 (juillet
1945)2.
Dès son accession au
khalifat, Cheikh Mouhamed Fadel Mbacké s'est investi pour la
reprise des travaux. La dernière phase a démarré le 04 sha'bân
1368 (16 mai 1949) et s'est achevée en 1963. La mosquée a été
inaugurée le 07 juin 1963 par Cheikh Mouhamad Fadel, après
plusieurs années de travail, de sacrifice et d'abnégation.
Depuis son achèvement,
la Mosquée n'a cessé de faire l'objet de travaux d'agrandissement
et d'embellissement avec les successeurs de Cheikh Mouhamed Fadel:
Cheikh Abdoul Ahad, Cheikh Saliou Mbacké et Cheikh Mouhamad Lamine
Bara jusqu'à l'actuel khalif (que Dieu lui prête longue vie) qui
envisage d'y ajouter deux autres minarets.
Ainsi, durant des
décennies, la communauté mouride, réalisant combien l'édification
de la grande Mosquée de Touba était un vœux cher au Cheikh, y a
consacré tous ces efforts avant de se lancer à la construction
d'autres mosquées aussi bien à l'intérieur et qu'à l'extérieur
du Sénégal.
Les enjeux de
l'édification d'autres mosquées par les mourides
L'intérêt porté à la
grande Mosquée n'a pas diminué après l'achèvement de l'ouvrage,
mais les initiatives visant la construction d'autres mosquées sous
l'ordre ou la bénédiction des Khalifs commençaient à se
développer; un processus qui s'est accéléré avec l'avènement au
khalifat de cheikh Saliou Mbacké et les efforts inlassables de
Cheikh Mouhamadou Mourtada Mbacké. En un laps de temps, les mosquées
construites par la communauté mouride se sont multipliées de façon
exponentielle, compte tenu de la place que la mosquée occupe dans
les enseignements du Cheikh et de son importance dans la vie
quotidienne du musulman en général et du disciple mouride en
particulier.
C'est dans cette optique
que s'inscrit l'œuvre grandiose de Cheikh M. Mourtada pour
accompagner les mourides de la diaspora dans l'œuvre d'édification
de mosquées et de "maisons de l'islam" dans leurs lieux de
résidence.
Si la construction de
mosquées est une obligation et une nécessité pour toute communauté
musulmane, elle l'est de plus pour les disciples mourides à
l'étranger pour des raisons spirituelles, culturelles et sociales.
Sur le plan spirituel
La mosquée est, en fait,
un moyen essentiel permettant au fidèle de renforcer sa vie
spirituelle et de s'épanouir moralement. Le monde actuel est
prisonnier du matérialisme écrasant en particulier dans les pays
occidentaux. Dans un tel contexte la mosquée constitue un refuge
pour un aspirant au perfectionnement spirituel vivant en occident.
Sur le plan culturel
Avec la globalisation,
les expatriés sont exposéz généralement à un processus
d'assimilation et une politique d'intégration dans leurs pays
d'accueil. De ce fait, l'identité culturelle des expatriés se
trouve sérieusement menacée. La mosquée représente en ce moment
un cadre propice pour cultiver et sauvegarder les valeurs de l'islam
qui font partie intégrante de l'identité culturelle du musulman.
Sur le plan social
Les relations sociales
telles que préconisées par l'Islam sont difficilement entretenues
dans un pays où les préoccupations économiques priment sur les
exigences d'une vie sociale conforme aux préceptes de l'Islam. La
mosquée offre une source de vie sociale où les musulmans pourront
puiser pour conserver les valeurs sociales islamiques telles que la
solidarité et l'entraide.
Les guides de la
murîdiyya conscients de ces dimensions et soucieux
d'entretenir les disciples dans le bon chemin, n'ont cessé de les
exhorter à réaliser des projets de construction de mosquées où
qu'ils se trouvent. Les disciples d'aujourd'hui sont donc appelés à
prendre conscience de la nécessité de doubler leurs efforts pour
édifier des mosquées et leur faire jouer pleinement leurs rôles
sur tous les plans conformément aux enseignements du fondateur de la
murîdiyya.
* La version anglaise de cet article a été publiée par Murid Islamic Community in America (MICA) juillet 2013
1Serigne
Modou Mamoune Niang, texte manuscrit.
2La
ville sainte de Touba et sa mosquée, l'Histoire et l'évolution, le
Centre At-Turâth pour la recherche et la publication, p. 29.
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Vue tout ce que vous avez dit sur l'importance de la mosquée dans la mouridiyya, il faut constater que celle-ci représentait, et représente aujourd'hui un centre d'enseignement et de formation non seulement du mouride mais du musulman en général. Et la grande mosquée de Touba, la mosquée de Darou Mouhty, la mosquée serigne Abo Mbacké de bene tally et tant d'autres en ont de parfaites illustrations.
RépondreSupprimervous avez parfaitement raison
SupprimerDieureudief