Les religieux et la politique : de simples questions!

Le sort d'un homme religieux ou un guide religieux est très ambiguë dans notre société. Il lui est permis d'être un professeur d'université, un chef d'entreprise, un ambassadeur, un administratif, éleveur, un cultivateur ou autre sans que sa crédibilité soit mise en cause. Il suffit qu'il s'engage en politique qu'on lui qualifie d'opportuniste de manipulé, de corrompu, bref de tous les noms d'oiseau.

C'est pourquoi je me pose certaines questions: n'est-il pas possible qu'un chef religieux soit conscient qu'il doit s'intéresser à la politique éducative, économique ou sociale menée dans son pays? N'a-t-il pas le droit de vouloir faire partie des décideurs de ces politiques ou des législateurs des lois pour influencer positivement les orientations éducatives, économiques et sociales de la société?

Il me semble qu'on exploite toujours le stéréotype ou l'image de soit-disants marabouts, ou chefs religieux corrompus pour jeter le discrédit à toute personne porteuse d'une vision différente de celle de la classe politique dominante dans notre pays depuis les indépendances. Cette manière de diaboliser la participation politique ne vise-t-elle pas la fermeture de la porte devant toute velléité de un homme religieux de vouloir participer à la conduite de notre vie publique. Par ce biais on parvient à écarter une frange importante de la société pour les confiner à des rôles de régulateurs ou sapeurs pompiers. Certes, ces rôles sont importantes, mais il n'est pas moins importante de vouloir participer à la prise de décisions régissant notre vie publique.

Les politiques ne consultent que rarement les hommes religieux dans les grands projets qui touchent la vie des centaines de milieux de leurs disciples. Et ces derniers ne sont pas ceux qui occupent les plateaux des radio et des télévisions.

Je sais que le rôle principal d'un guide religieux est d'assurer une éducation spirituelle pour ses disciples. Cependant ce rôle n'enlève pas son droit à la participation politique en tant que "citoyen ordinaire" qui s'intéresse aux conditions de vie de ses concitoyens.

Celui qui s'oppose à la participation d'un chef religieux à la vie politique est, à mon sens, l'un des deux: soit un fidèle soucieux de la préservation de la religion et du statut sacré du guide contre les effets néfastes de la politique politicienne avec tous ses maux, soit un partisan voulant préserver les intérêts d'une classe politique qui salit ce champs afin de mieux s'en accaparer.

Les textes qu'on évoque pour incriminer le rapprochement entre les ouléma et salatin ( savants musulmans et rois ) doivent être compris dans un contexte où les premiers cherchent des biens auprès des seconds sans avoir aucune influence positive sur leur gestion des affaires publiques. Dans un contexte démocratique, l'optique peut changer. Le débat doit-il alors porter sur le principe de la participation des religieux à la vie politique ou sur ses conditions et ses modalités ?

Le contexte d'une démocratie ouverte qui fait que, grâce à la magie de la politique, des gens parfois sans compétence ni éthique deviennent des décideurs, ne milite pas pour le maintien de ce statuquo ; d'où la nécessité d'envisager un changent des mentalités et d'arrêter la campagne de diabolisation systématique. S'il y a des intérêts politiques derrières cette campagne, les disciples eux doivent refuser d'être embarqués par les assauts médiatiques mal intentionnés et savoir séparer le bon grain de l'ivraie.
En effet, le refus de l'exploitation des consciences ou de la politique politicienne pour des intérêts personnels doit être catégorique d'où qu'elle vienne : d'un marabout, d'un homme d'affaires ou d'un politicien professionnel.
Ce sont, en somme, de petites réflexions et questionnements qui m'ont été inspirés par le débat en cours concernant la participation éventuelle de quelques marabouts au élections législatives à venir.

Par Same Bousso Abdourahmane

Thiès, le 14 juin 2017

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