Education Religieuse, Vision et Finalités
-INTRODUCTION
Les crises
vécues par le système éducatif sénégalais sont profondes. Plusieurs réformes
ont été entreprises par les différents gouvernements depuis notre indépendance[1]
Beaucoup de
plans et programmes ont été élaborés. Mais, chaque fois qu'un diagnostic du
système est réalisé le constat reste le même: l'offre éducative demeure
inadéquate par rapport aux aspirations d'une grande partie de la palpitation et
aux exigences d'un monde en perpétuel changement.
Dans un tel
contexte caractérisé principalement par la globalisation, au plan économique,
et par les changements technologiques, l'organisation des Assises de
l'Education par l'Etat du Sénégal vient à son heure.
Cependant,
la conduite des concertations aussi importantes sur l'éducation nécessite une
révision des finalités et de la vision du système de manière à le rebâtir sur
de nouveaux fondements.
En effet,
“dans un contexte de réformes éducatives, la détermination des finalités de
l’éducation apparaît comme une étape non seulement nécessaire, mais
prioritaire, puisqu’il s’agit d’établir les fondations sur lesquelles seront
construits les curricula"[2]
Donc, il
s’avère nécessaire d’aborder la question de l’éducation religieuse à
partir des ses finalités afin de voir la possibilité de son articulation avec
les finalités du système dans sa globalité. Pour ce faire, nous allons tout
d’abord revisiter les finalités de notre système avant de revenir sur celles de
l’éducation religieuse et en fin sur les enjeux de leur articulation.
• LES FINALITES EN QUESTION
Quelles que
soient les formulations des finalités , " les questions du Qui veut-on
former? Pourquoi? À quoi? sont en effet incontournables dès que l’on parle de
« conduire » quelqu’un vers quelque chose"
Ce
questionnement sur les finalités de l’éducation, "peut prendre
plusieurs formes. Si l’on est d'accord que l’éducation doit former une personne
apte à fonctionner dans la société, des questions majeures se posent encore:
- D'abord,
une éducation doit-elle viser "la formation de l’individu en fonction de
son ajustement aux impératifs d’une société caractérisée par le changement? Le
savoir devrait-il alors être instrumental, et servir d’autres fins que
lui-même, en étant utile à son détenteur aussi bien qu’à la société pour
laquelle il devient une ressource nécessaire?
- Devrait-il
au contraire être « fondamental » et transmettre un patrimoine culturel qui se
situe au-delà̀ des contingences mouvantes et inscrire l’individu dans une
tradition pour qu’il puisse inventer un futur ancré dans le passé?
- à partir
de ces deux questions j’essaie de poser en fin une troisième: l'éducation
ne peut-elle pas avoir comme vocation la formation de l'individu en fonction
des exigences de la société en se fondant sur son patrimoine culturel?
Plusieurs
réponses ont été données dans différents contextes parmi lesquelles
celle-ci " l’éducation a pour finalité de contribuer au développement d’un
sujet dans son triple rapport au monde, rationnel, symbolique et affectif"[3].
Concernant
notre système, quelles sont ses réponses données à ce questionnement?
• - APERÇU SUR LES FINALITES DU
SYSTEME EDUCATIF SENEGALAIS
L'histoire
du système éducatif sénégalais est jalonnée de plusieurs tentatives de réforme.
Dans chacune de ces réformes de nouvelles finalités basées sur une nouvelle
vision sont assignées au système.
Dans la Loi
d'orientation 91-22 du 16 février 1991 modifiée par la loi 2004-37 du 15
décembre 2004 l’éducation vise principalement à former
1. des
hommes et des femmes capables de travailler efficacement à la construction du
pays ; elle porte un intérêt particulier aux problèmes économiques, sociaux et
culturels rencontrés par le Sénégal dans son effort de développement et elle
garde un souci constant de mettre les formations qu’elle dispense en relation
avec ses problèmes et leurs solutions.
2. des
hommes et des femmes dévoués au bien commun, respectueux des lois et des règles
de la vie sociale et œuvrant à les améliorer dans le sens de la justice, de
l’équité et du respect mutuel.
Malgré les efforts,
les difficultés continuent d'accabler le système et la problématique de
l'inadéquation de l'offre persiste. Dans la perspective d'apporter une réponse
à cette inadéquation, les États Généraux de l'Education et de la Formation de
1981 ont ouvert une brèche en recommandant l'introduction d'une éducation
religieuse dans le système. Mais cette recommandation des EGEF n’est pas prise
en compte explicitement dans cette Loi 91-22.
Alors le
système a continué de laisser en rade l’éducation religieuse portée en grande
partie par des établissements privés. D’où l’impression qu’il y a au Sénégal
deux systèmes d’éduction parallèles, nécessitant la remise en question
des ses orientations.
• - INTEGRATION DE L’ENSEIGNEMENT ARABO
ISLAMIQUE DANS LE SYSTEME :QUELS ENJEUX ?
C'est à
partir de 2002 que cette recommandation forte des EGEF connaît un début
d’exécution avec l'introduction de l'enseignement religieux dans les écoles
élémentaires publiques, la création d'écoles franco arabes publiques, la
modification en 2004 de la loi d'orientation 91-22 et enfin la modification du
texte régissant le baccalauréat pour introduire la série L-AR[4]
(communément appelé BAC Arabe)
L‘Article 4.
de Loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004 stipule que « L’Education
nationale est laïque : elle respecte et garantit à tous les niveaux, la liberté
de conscience des citoyens.
Au sein des
établissements publics et privés d’enseignement, dans le respect du principe de
laïcité de l’Etat, une éducation religieuse optionnelle peut être proposée. Les
parents choisissent librement d’inscrire ou non leurs enfants à cet
enseignement ».
Ces
innovations sont, sertes, des étapes importantes dans le processus d'adaptation
de l'offre éducative aux besoins des populations. Mais force est de reconnaître
qu'elles n'ont pas entièrement réglé le problème.
Les
établissements privés d’enseignement arabo islamique et les daara continuent,
avec leurs propres programmes, de polariser des centaines de milliers
d’enfants et affrontent d’énormes difficultés. Cette situation met en cause la
capacité du système officiel à répondre aux aspirations d’une frange importante
de la société, et révèle l’enjeu d’une articulation harmonieuse entre les
finalités de cet ordre d’enseignement et celles du système évoquées ci-dessus.
Car les valeurs religieuses ne font que renforcer la formation d’un bon citoyen
et l’éducation islamique vise essentiellement à former un croyant modèle.
En effet, si
on se réfère au Coran et la Sounna on trouve que la mission des Messagers est
de transmettre les enseignements d’Allah et de cultiver les bonnes mœurs. Dans
la sourate 62 verset 2 Allah dit« C’est Lui qui a envoyé à des gens
sans Livre (les Aabes) un Messager des leurs qui leur récite Ses versets, les
purifie et leur enseigne le Livre et la Sagesse bien qu’ils étaient auparavant
dans un égarement évident » هو الذي بعث في الأميين رسولا منهم يتلوا عليهم ءايته
ويزكيهم ويعلمهم الكتاب والحكمة وإن كانوا من قبل لفي ضلال مبين
Pour accomplir
cette mission, l’éducation religieuse
vise entre autres à développer chez l'être humain:
• La foi en Dieu avec ses exigences
(son adoration et son obéissance ) وما أمروا إلا يعبدوا الله مخلصين له الدين
• Les valeur
morales telles que la sincérité, l'honnêteté, l'intégrité, l'amour des
prochains la solidarité etc. " انما بعثت لأتمم مكارم الاخلاق
·
La quête du
savoir et de sagesse
·
Cette
articulation entre les finalités déjà assignées à notre système et celle de
l’éduction religieuse est d’autant plus nécessaire que la nouvelle vision de la
politique éducative mets en exergue les principes de l’Equité et de
l’inclusion. Cette nouvelle vision du gouvernement du Sénégal en matière
d’éducation et de formation est rendue par cette formule : ‘’Un système
d’éducation et de formation équitable, efficace, efficient, conforme aux
exigences du développement économique et social, plus engagé dans la prise en
charge des exclus, et fondé sur une gouvernance inclusive, une responsabilisation
plus accrue des Collectivités Locales et des acteurs à la base»[5]
• CONCLUSION
Dans un
contexte de mutations profondes, toute réforme éducative doive partir des
fondements qui sont les finalités devant déterminer tous les autres composants
du système. Ces finalités doivent découler de la vision de la société toute
entière. Voilà l’intérêt crucial qui justifie l’importance à porter sur la
reformulation des finalités du système à partir d’un examen minutieux des
besoins de la société et des exigences d'un monde en perpétuel changement.
Pour mener à bien cette réflexion, on pourra poser ces quelques questions:
• Quelle est la place de la
religion dans notre société?
• Quelles sont les valeurs
religieuses nécessaires à la formation d'un bon citoyen?
• Comment articuler ces
valeurs avec les autres éléments du système?
• Comment mettre en place des
stratégies efficaces pour une éducation religieuse de qualité?
• Comment impliquer tous les acteurs
concernés à l'élaboration de ces stratégies?
Same Bousso Abdourahmane
* exposé présenté au forum consacré à l'éducation religieuse et au daara dans le cadre des pré-assises
[1] Parmi les étapes les plus marquantes
la réforme survenue après les événements de mai 68 qui a abouti à la loi
d’orientation de 1971 et celle de 1981 qui a amené le Loi de 1991
[4] C’est le décret n° 2013-913
modifiant et complétant certaines dispositions du décret n° 2000-586 du 2à
juillet 2000 modifiant et complétant le décret n° 96-947 du 18 octobre 1995
portant organisation du Baccalauréat.
Commentaires
Enregistrer un commentaire