La Mosquée de Masaalikul Jinaan : significations et missions

Par Serigne Same BOUSSO Abdourahman.

 

Dans quelques jours la grande mosquée « Massalikul Jinaan » sera inaugurée à Dakar, capitale du Sénégal. Cette mosquée porte le titre de l’un des ouvrages majeurs de Cheikh Ahmadou Bamba – que Dieu l’agrée. Par leurs propres efforts, les disciples de ce Cheikh fondateur de la voie soufie, communément appelée « Mouriddiya », ont construit cette mosquée, considérée comme l’une des plus grandes et des plus sublimes en Afrique subsaharienne. Elle a une capacité d’accueil de 10 mille places pour les fidèles musulmans.

En effet, les mourides ont une longue tradition en matière de construction de mosquées, depuis l’époque du Cheikh fondateur – que Dieu l’agrée. Celui-ci est connu pour son attachement aux lieux de culte. Il implorait le Seigneur pour que ses domiciles soient transformés en mosquées. Il disait : واجعل بيوتي كلها مساجدا «Transforme toutes mes demeures en des mosquées ».

Le Cheikh – que Dieu l’agrée – tenait, en fait, à ériger une mosquée partout où il passait. Il a vécu, d’ailleurs, une histoire intéressante lors de son exil dans les brousses lointaines du Gabon: il avait utilisé des branchages pour échafauder une mosquée. Le Chef du camp, en colère contre ce fait, la démolit. Cet incident a été la cause d’une grande dispute entre ce dernier et l’un des sympathisants du Cheikh, qui s’appelle Yelli Seye !

Entre les années 1916 et 1918, le Cheikh avait construit une grande mosquée au quartier Médinatoul à Diourbel à l’Ouest de Touba où il vivait en résidence surveillée. Se rappelant souvent l’incident qui s’était déroulé au Gabon, il ne cessait de remercier Dieu qui lui a donné cette vaste mosquée en récompense.

L’Érudit mauritanien, Cheikh Sidya Baba (1860-1924) – la miséricorde d’Allah soit sur lui– a consacré à cette mosquée un merveilleux poème duquel on peut relever ces deux vers :

«  cet endroit est merveilleux pour celui qui cherche à prier, à s’isoler pour l’adoration d’Allah ou à subvenir à ses besoins »

« C’est à la fois une mosquée pour prier et un asile pour les nécessiteux».

Avant que le Cheikh ait été rappelé à Dieu, il avait donné l’instruction à ses adeptes  de construire une grande mosquée à Touba, sa ville bénie et avait rassemblé des fonds pour le démarrage.

Cet ouvrage était, à l’époque, le plus grand projet de la Mouriddya. Les disciples avaient, ainsi, consenti d’immenses efforts pour sa réalisation, sous l'ère du premier khalife, Cheikh Mouhamad Moustapha (que Dieu l'agrée), de 1927 à 1945.

 La mosquée fut enfin achevée et inaugurée en 1963 sous l’ère du deuxième khalife, Cheikh Muhammad Fadal (que Dieu l’agrée) après plus de trente ans de travaux.

Après l’achèvement de la grande mosquée de Touba, les mourides ont entamé une série d’érections de mosquées dans différentes zones du pays. Et, pendant longtemps, ils gardèrent l’espoir de réaliser le rêve d’ériger une grande mosquée dans la capitale.

Sous l’ère du sixième Khalife, Cheikh Muhammad Lamine Bara MBACKE (que Dieu l’agrée), les mourides ont pu obtenir, avec l’aide de l’ancien Président Maître Abdoulaye Wade, une vaste parcelle de 7 hectares au cœur de la capitale. A son accession au Khilafat, Cheikh Sidy Mokhtar (que Dieu l’agrée) s’est beaucoup investi pour l’achèvement des travaux avant son rappel à Dieu en janvier 2018.

Après dix ans d’efforts considérables, les travaux de la grande mosquée « Massalukul Jinân », réalisés sur fonds propres, sont achevés. L’actuel Khalife, Cheikh Muhammad Mountakha (que Dieu le préserve), a décidé de procéder à son inauguration le Vendredi 27 Septembre 2019. Cette inauguration constituera un grand évènement historique de l’Islam en général, et de la Mouriddya en particulier. 

La réalisation de cette mosquée de grande envergure au cœur même de la capitale sénégalaise peut avoir plusieurs significations. On peut en relever quelques-unes :

• c’est une preuve évidente de l’avancée de l’Islam, malgré la prégnance de la laïcité et l’ardeur de ses adeptes dans notre pays;
• c’est une récompense d’Allah à Cheikhoul Khadim – que Dieu l’agrée – pour ses lourds sacrifices dans le sentier de renforcer l’Islam et d’accroître son rayonnement;
• c’est un indice clair que les mourides, unis derrière leur guide spirituel sous l’égide du khilafat, peuvent relever d’énormes défis;
• c’est le début d’une ère nouvelle pour plus d’ouverture de la mouridyya dans le monde islamique en tant que dépositaire de la civilisation et de la culture islamiques en Afrique de l’Ouest.

Les gens peuvent avoir des lectures diverses des messages véhiculés par cet édifice religieux. Cependant ses missions attendues, ainsi que ses objectifs visés, méritent d’être minutieusement étudiés, compris et explicités afin que tout le monde y consacre de l’attention et de l’effort pour leur réalisation.

Pour la mise en exergue de quelques-unes de ces missions, on doit partir d’une compréhension de la mission vivificatrice de Cheikh oul Khadim, de son approche pédagogique et de son style de djihad (djihad par le Savoir et la Piété).

On doit également se référer à son attention méticuleuse à servir tous les musulmans.

En effet, en plus d’avoir offert à des dizaines de milliers de fidèles la possibilité de faire les cinq prières, la prière de vendredi ainsi que celles des Eids au cœur de la capitale du Sénégal, la mosquée «Masaalikul Jinaan» peut remplir d’autres missions importantes comme celles-ci :

• la promotion de l’unité entre les musulmans dans le pays, en servant de carrefour pour les différentes appartenances et obédiences;
• l’éveil de consciences des musulmans, en général, et des mourides, en particulier, ainsi que leur orientation dans leurs vies spirituelles et temporelles;
• la vulgarisation de l’éducation et des valeurs islamiques au sein de la société sénégalaise;
• la représentation de l’esprit de tolérance de l’Islam à travers les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba(que Dieu l’agrée);
• l’incarnation de l’esprit de la solidarité musulmane par l’entremise du parrainage des pauvres et nécessiteux;
• la lutte contre l’occidentalisation de la société sénégalaise afin d’éviter la disparition de son identité islamique;
• le renforcement de la foi des musulmans et de leur fierté d’appartenir à l’Islam;
• la promotion du tourisme religieux, de rencontres et de la reconnaissance entre les différents peuples;
• la vulgarisation de l’image réelle de la Muriddya ainsi que la diffusion des enseignements de son fondateur à l’échelle mondiale.

Tout mouride a le droit de considérer l’inauguration de cette mosquée comme une victoire de son guide face au projet colonialiste odieux et  d’en être fier, mais il est aussi important, à mon sens, de se concentrer plus sur le travail à mener pour l’accomplissement de ces missions qui sont réalisables et répondent également aux défis actuels de la société sénégalaise musulmane.

Qu’Allah SWT récompense tous ceux qui ont contribué à l’édification de « massalikul jinân » et accompagne tous ceux qui doivent s’occuper de sa gestion.

Traduction  du texte de l'arabe au  français: Moustapha Hafia DEME